Souvenez-vous : il n'y a pas si longtemps de cela, rêver était aussi naturel que respirer ou manger. Réparateur, exutoire, échappatoire… Rêver est essentiel à notre bien-être, notre équilibre et notre épanouissement.
Mais rêver a aussi permis à notre espèce de progresser.
Quand il rêve, l'homme est un génie.
Ou de bouleverser l'ordre établi…
Brimez tous mes droits, et il me restera toujours celui de rêver.
Mais la crise économique s'est installée, et pour longtemps. Le chômage de masse anéantit les perspectives et les espoirs de la nouvelle génération. La morosité nourrit la rancœur que certains exploitent sans vergogne.
Mai 68 nous avait imposé le relativisme intellectuel et moral.
Petit à petit, insidieusement, les rêves sont associés à la paresse et à l'oisiveté. Ils deviennent un obstacle à la productivité et la croissance. Les rêveurs sont vus comme des parasites qui refusent de retrousser leurs manches pour affronter la réalité.
Cette stigmatisation des rêves aurait pu s'arrêter là. Mais la science allait donner à des responsables politiques sans scrupules les moyens d'empêcher la population de rêver.
Voici Effidil : une gélule à prise quotidienne, augmentant très fortement la capacité de concentration. Avec comme effet secondaire la disparition de la capacité de rêver…
Elle est proposée au départ gratuitement aux populations les plus touchées par la crise ou ayant des difficultés de réinsertion : chômeurs de longue durée, sans domiciles, anciens détenus… En quelques jours à peine, ils sont métamorphosés en bourreaux de travail à la détermination sans faille.
Dans ces premiers temps, le chômage diminue, l'économie repart et la population se félicite de ce "progrès".
Mais rapidement, son usage s'étend et l'Effidil devient le sésame incontournable pour obtenir un travail ou une promotion. Des campagnes publiques incitent tous les adultes à prendre le traitement pour le bien de l'économie et la sauvegarde du "modèle social".
Puis c'est au tour de l'école : d'abord proposé comme remède miracle contre le décrochement scolaire, l'Effidil est ensuite proposé systématiquement dès l'école primaire. Qui refuserait à son enfant la garantie de meilleurs résultats et d'un meilleur diplôme ? Seuls quelques parents se méfient et refusent d'administrer la gélule à leurs enfants.
La majorité des parents ont fait le bon choix et donnent de l'Effidil à leurs enfants. Dès lors, est-il normal que l'école publique, financée par l'argent des contribuables, tolère des éléments turbulents et moins appliqués, qui ne pensent qu'à jouer et qui nuisent ainsi à la réussite de la majorité ?
En quelques années, une grande majorité de la population est déjà sous Effidil. Le traitement devient obligatoire dès l'âge de 5 ans (sauf dérogation spéciale). Le gouvernement jouit d'une popularité inégalée. Les "sans-rêves" sont désormais incapables de désirer ce qu'ils n'ont pas…
Mais une minorité commence à s'agiter et des émeutes éclatent un peu partout, sévèrement réprimées. La brigade anti-rêves (BAR) de la police nationale est chargée de détecter les réfractaires à la prise du traitement et de les arrêter. Là-encore, cette mesure est bien acceptée par la population au nom de la lutte contre les "improductifs".
Pour traquer les personnes encore capables de rêver, la BAR dispose de moyens colossaux : satellites, unités mobiles d'intervention rapide, etc.
De nombreuses personnes sont arrêtées et enfermées, souvent dans l'indifférence générale. Cela permet au pouvoir de réduire au silence les opposants politiques et les contestataires divers.
Lorsqu’ils sont venus m'arrêter, il ne restait plus personne pour protester.
En quelques années à peine, la société s'est asservie volontairement, désormais sous le joug du pouvoir.
Les hommes ne peuvent être réellement libres que dans leurs rêves.
Une poignée de résistants refusent toujours de se soumettre au traitement et sont poussés dans la clandestinité. Ils mettent au point différentes techniques permettant d'échapper à la BAR.
Ensemble, ils fondent Oniripolis, la cité des rêves : un havre pour tous ceux qui refusent d'abandonner leurs rêves, et le point de départ de la reconquête.
Notre but : redonner à tous la volonté et la faculté de rêver librement…
Venez rêver avec nous, rejoignez la résistance !